Pâté d'anguille
Préparation : 3 heures de macération. Cuisson 1 heure et 15 minutes minimum.
Pour 6 personnes : 450 grammes de pâte brisée, 1 jaune d'œuf, 1 kilo d'anguilles, 4 branches de persil, 3 oignons blancs avec leur tige, 1 verre de vin blanc muscat sec de 66510 Saint Hippolyte.
Coupez les anguilles en tronçons de 3 ou 4 centimètres, mélangez-les au persil haché et aux oignons émincés. Arrosez de vin blanc et laissez macérer 3 heures. Foncez une terrine avec la pâte brisée et déposez les morceaux d'anguille sur le fond de pâte. Recouvrez avec un couvercle de pâte en pinçant les 2 bords pour bien souder la pâte. Piquez
en plusieurs endroits avec une fourchette.
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Paté d'anguille Jean de La Fontaine 1674 Même beauté, tant soit exquise, Rassasie et soule à la fin. Il me faut d’un et d’autre pain ; Diversité c’est ma devise. Cette maîtresse un tantet bise Rit à mes yeux; pourquoi cela ? C’est qu’elle est neuve ; et celle-là Qui depuis longtemps m'est acquise Blanche qu’elle est, en nulle guise Ne me cause d’émotion. Son cœur dit oui; le mien dit non ; D’où vient ? en voici la raison, Diversité c’est ma devise. Je l'ai jà dit d'autre façon Car il est bon que l’on déguise Suivant la loi de ce dicton, Diversité c'est ma devise. Ce fut celle aussi d'un mari De qui la femme était fort belle. Il se trouva bientôt guéri De l'amour qu'il avait pour elle. L'hymen, et la possession Eteignirent sa passion. Un sien valet avait pour femme Un petit bec assez mignon: Le maître étant bon compagnon, Eut bientôt empaumé la dame. Cela ne plut pas au valet, Qui les ayant pris sur le fait, Vendiqua son bien de couchette, A sa moitié chanta goguette, L'appela tout net et tout franc... Bien sot de faire un bruit si grand Pour une chose si commune; Dieu nous gard de plus grand' fortune. Il fit à son maître un sermon. Monsieur, dit-il, chacun la sienne Ce n'est pas trop; Dieu et raison Vous recommandent cette antienne. Direz-vous, je suis sans chrétienne ? Vous en avez à la maison Une qui vaut cent fois la mienne. Ne prenez donc pas tant de peine: C'est pour ma femme trop d'honneur; Il ne lui faut si gros monsieur. Tenons-nous chacun à la notre; N'allez point à l'eau chez un autre, Ayant plein puits de ces douceurs; Je m'en rapporte aux connaisseurs: Si Dieu m'avait fait tant de grâce, Qu'ainsi que vous je disposasse De Madame, je m'y tiendrais, Et d'une reine ne voudrais. Mais puisqu'on ne saurait défaire Ce qui s'est fait, je voudrais bien, (Ceci soit dit sans vous déplaire) Que content de votre ordinaire Vous ne goûtassiez plus du mien. Le patron ne voulut lui dire Ni oui ni non sur ce discours; Et commanda que tous les jours On mît aux repas, près du sire, Un pâté d'anguille; ce mets Lui chatouillait fort le palais. Avec un appétit extrême Une et deux fois il en mangea: Mais quand ce vint à la troisième La seule odeur le dégoûta. Il voulut sur une autre viande Mettre la main; on l’empêcha: Monsieur, dit-on, nous le commande: Tenez-vous-en à ce mets-la: Vous l'aimez, qu’avez-vous à dire ? M'en voilà soûl, reprit le sire. Et quoi toujours pâtés au bec ! Pas une anguille de rôtie ! Pâtés tous les jours de ma vie ! J'aimerais mieux du pain tout sec: Laissez-moi prendre un peu du vôtre: Pain de par Dieu, ou de par l'autre: Au diable ces pâtés maudits; Ils me suivront en paradis, Et par-delà, Dieu me pardonne. Le maître accourt soudain au bruit, Et prenant sa part du déduit, Mon ami, dit-il, je m’étonne Que d'un mets si plein de bonté Vous soyez si tôt dégoûté. Ne vous ai-je pas ouï dire Que c'était votre grand ragoût ? Il faut qu'en peu de temps, beau sire Vous ayez bien changé de goût ? Qu'ai-je fait qui fût plus étrange ? Vous me blâmez lorsque je change Un mets que vous croyez friand, Et vous en faites tout autant. Mon doux ami, je vous apprends Que ce n'est pas une sottise, En fait de certains appétis, De changer son pain blanc en bis: Diversité c’est ma devise. Quand le maître eut ainsi parlé, Le valet fut tout consolé. Non que ce dernier n‘eût à dire Quelque chose encor là-dessus Car après tout doit-il suffire D’alléguer son plaisir sans plus ? J’aime le change. A la bonne heure, On vous l'accorde; mais gagnez S'il se peut les intéressés: Cette voie est bien la meilleure: Suivez-la donc. A dire vrai, Je crois que l'amateur du change De ce conseil tenta l'essai. On dit qu'il parlait comme un ange, De mots dorés usant toujours: Mots dorés font tout en amours. C'est une maxime constante: Chacun sait qu'elle est mon entente: J'ai rebattu cent et cent fois Ceci dans cent et cent endroits: Mais la chose est si nécessaire, Que je ne puis jamais m'en taire, Et redirai jusques au bout, Mots dorés en amours font tout. Ils persuadent la donzelle, Son petit chien, sa demoiselle, Son époux quelquefois aussi; C'est le seul qu'il fallait ici Persuader; il n'avait l'âme Sourde à cette éloquence; et dame Les orateurs du temps jadis N'en ont de telle en leurs écrits. Notre jaloux devint commode. Même on dit qu’il suivit la mode De son maître, et toujours depuis Changea d'objets en ses déduits. Il n'était bruit que d'aventures Du chrétien et de créatures. Les plus nouvelles sans manquer Etaient pour lui les plus gentilles. Par où le drôle en put croquer, II en croqua, femmes et filles, Nymphes, grisettes, ce qu’il put. Toutes étaient de bonne prise; Et sur ce point, tant qu'il vécut, Diversité fut sa devise. |